elearning, ce mal aimé?

L’article récent « L’e-learning, ce mal aimé? » (20 minutes, 22 janvier 2007) me suggère quelques réflexions.

La première concerne le titre. Je trouve très peu pertinent de parler « du elearning » au singulier! Evidemment, il faut un terme pour désigner quelque chose. Mais la question est justement ce quelque chose. De quoi parle-ton? Qu’est-ce que les étudiants aiment ou n’aiment pas?

L’article montre bien une confusion en commençant par: « La nouvelle méthode d’enseignement promet… ». Peut-on vraiment parler d’une seule méthode d’enseignement que l’on peut intituler le elearning? Les praticiens et chercheurs en ce domaine étudient beaucoup actuellement les « dispositifs hybrides ». Ils en parlent le plus souvent au pluriel pour bien montrer qu’il y en a plusieurs types. Qui plus est, même au singulier, l’adjectif hybride est là pour insister sur le fait qu’un cours elearning est à distance pour certaines activités et en présence pour d’autres. Pour insister aussi sur le fait qu’une multitude d’autres facteurs varient entre deux cours (médias utilisés, durées, activités menées, personnes impliquées, etc.). Et, bien sûr, les méthodes peuvent aussi être bien différentes d’un moment du cours à un autre… Une autre source (Service Insight, insight.eun.org, 2005) nous donne une définition du terme elearning: « By elearning, we mean applicationss of ICT as a learning technology, which may encompass part or all of the following elements from a spectrum: information/data, learning objects, authentic online research resources, models and simulations, tools for …, user guidance materials, etc. » On parle bien de plusieurs applications et tous les éléments du spectre sont au pluriel!


Nous sommes donc loin, avec l’arrivée « du elearning », d’une méthode unique d’enseignement. Au contraire! L’innovation amenée par « le elearning » est notamment de nous faire réfléchir une nouvelle fois à la complexité de l’enseignement. Il en ressort qu’il est illusoire, en pensant à un dispositif d’apprentissage-enseignement efficace, de songer à une formule, magique et unique, résolvant tous les problèmes! Apprendre et Enseigner sont réaffirmés comme des processus complexes et composites. L’acceptation ou le refus en bloc du e-learning ne me semble donc pas vouloir dire grand chose.
C’est le sens de la deuxième réflexion issue de la lecture de l’article de 20 minutes. Elle vient des quelques chiffres donnés sur la perception qu’ont les étudiants envers « le elearning »: « les étudiants privilégient avant tout l’auto-enseignement à l’aide de livres et de scripts (52%), puis vient le cours classique (27%), suivi par le travail en groupe sur un projet (19%), l’e-learning n’étant crédité que de 2% des votes » (article cité en référence). Comme le terme elearning n’est pas précisé, on ne sait en fait pas ce que les étudiants n’aiment pas. Faisons des hypothèses. Si le elearning est une modalité de cours se déroulant entièrement à distance, alors, dans notre contexte, trouver 2%, ou un très petit chiffre, me semble une évidence. Seuls les petits Australiens qui vivent dans des fermes très éloignées voient l’intérêt de faire leur scolarité entièrement à distance! Les petits européens eux vont chaque matin à l’école pour être en présence de leurs enseignants te reviennent le soir à la maison pour faire leur devoir à distance. Le public des adultes en formation continue, du moins une partie d’entre eux, est sans doute un autre public potentiellement intéressé par un cours 100% à distance. Mais ce n’est certainement pas le public interrogé pour l’enquête dont on parle ici.
Si le elearning est par contre une modalité hybride, les perceptions envers le elearning que j’ai enregistrées auprès des étudiants à l’université montrent aussi que ce n’est pas leur modalité d’apprentissage préférée. Mais il faut nuancer en fonction du niveau des étudiants interrogés. Les plus jeunes, arrivant à l’université, sont habitués à une situation d’apprentissage très encadrée et guidée. Ceux qui sont plus avancés dans leurs études, et donc beaucoup plus autonomes pour apprendre, sont netttement plus en faveur du elearning. Le chiffre faible des plus jeunes étudiants ne montre donc pas forcément le fait qu’ils n’aiment pas le elearning en lui-même mais qu’ils sont habitués à une autre façon de faire et qu’ils sont encore peu autonomes dans leur apprentissage.

De plus, je suis curieux de savoir si la question posée aux étudiants, dans l’enquête de students.ch à laquelle se réfère l’article de 20 minutes, est plus détaillée envers le elearning? Que me répondriez-vous si je vous demandais: aimez-vous aller au restaurant? De multiples facteurs peuvent influencer votre réponse: le type de nourriture bien sûr mais aussi le cadre, le prix, votre état d’esprit au moment d’y aller, si le lieu est fumeur ou pas, vos expériences antérieures, etc. Ici, du moins selon 20 minutes, c’est le e-learning, oui ou non! Drôle de choix. Surtout si l’on compare avec ce que les étudiants ont dit aimer: « les étudiants privilégient avant tout l’auto-enseignement à l’aide de livres et de scripts (52%). Cela me laisse perplexe en regard de mon expérience. La majorité des étudiants aiment-ils apprendre seuls (auto-enseignement) avec des supports imprimés et des guides? Je ne le pense vraiment pas. Mais peut-être l’enquête voulait-elle dire « lorsque l’auto-enseignement est complétée par des cours en présence avec un enseignant et des… »?

Pour conclure, je pense que je vais aller consulter de plus près cette enquête de students.ch pour voir les résultats qu’elle amène vraiment. Je suis curieux de voir si on a fait attention aux sens multiples que peut prendre le terme elearning.

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